"Désirant et sidérant, si possible..." dit-elle.


"Désirant et sidérant, ...si possible !" dit-elle.

vendredi 3 octobre 2014

Journal-temps



Aujourd'hui, j'accueille ici avec grand plaisir Julien Boutonnier,  tandis qu'il me reçoit sur son blog   http://julienboutonnier-peut-etre.blogspot.fr/







devant l’école 24/09 11h28


debout
à la manière d’un terrain vague
sous le même ciel

à la main une longe verticale :

de vives invisibilités racontent ma mort :
                   [les deux arches de l’aqueduc enjambent vers dehors]

         ce tissu de vivre
à l’échancrure granuleuse
d’un arrière pays :
mon canevas lesté d’état civil
pour vêtir un présent

et faire rivière
avec les rudérales
sous le même ciel


parc 24/09 17h17

et puis j’ai vu le soleil
le soleil a succombé

(les longs doigts sombres du soleil
dévalent nos rues qui brûlent dans ta gorge)


et depuis son penchant
pour le soir
ne cesse de croître
dans la veine saillante
sous ta peau si fine et toi
        
tu espères
                      un lichen aux branches d’une voix
où loger le désir d’un autre itinéraire

salon, 24/09 22h39

détourner _____ qui
peine et sauve / course de fond
harassante
son nom
dans nos bronches / dans la noria
des phrases : la nuit
fuit sur Terre

(elle dit) j’ai dessiné quelques organes
éblouissants
vus d’en dessous
parmi les pensées
les faiblesses

:

reste une écorce joyeuse
au fil de l’eau
elle se tait / elle
se veut vivante
jusqu’aux ravines irrésolues
de nos paroles
sans peau ni racines

exposées au vent du sud à 03h04 de l’après-midi :
ce trou dans la voix

[Ô malheur du jour et de son sang
amnésie ventre à terre
rien ne se souvient /
précipite le
sens d’une vie
avant même qu’amour
perce les ruines à ton nom ]

(il y a nos mains tressées
pourtant – il y a
cette falaise / une
érosion qui laisse
jouir /
éboulis des sédiments
à tes lèvres humides)

/ trois fois d’affilée
tu tiens le seuil
ce drap léger
dans la lumière
                   où s’engouffrer mourir s’éteindre

(elle dit) il naîtra : amoindri pour qu’un
visage enfin lui incombe
et tienne
au temps



                                  texte et photo | Julien Boutonnier 


On pourra lire (ou relire)  "Ma mère est lamentable" de Julien Boutonnier aux éditions  publie.net, paru  en mai dernier et disponible ici  publie.net, coll. L’inadvertance, 2014.
Son écriture de la douleur de la perte est saisissante, sa voix donne corps à un parcours intérieur, à travers des espaces blancs, le souffle comme suspendu sur la mort, son nom à elle imprononçable. Un texte qui vient du corps, de la peau, rejoint au corps blessé du monde.
Ce texte fait partie de ce que j’appelle "les textes nécessaires", une sorte de chant qui troue les mots, les casse, et les désire dans l'épuisement d'un chagrin originel, plus grand que tout. La vie alors...

"j’ai bu le nectar
des nuits
pour me laver
du deuil
et mes orifices
ont produit le chant
de l’espérance j’ai écarté
les bras et j’ai brûlé
incendié l’espace
et le jour et la lave
d’ombre a dévasté la sale
gueule du deuil ma peau
ma peau
et j’ai couru
comme un loup libre et vif dans les labours
ensanglantés
sous la démence vespérale ma peau
ma peau
j’ai couru
enfant adulte vieux sage con
j’ai couru vers la
vie mais deuil mordait mes mollets
et mangeait mes
couilles et ricanait et
j’ai succombé et j’ai
chuté
de nouveau et le désespoir fut l’ordre
de ma raison"

François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants: Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.


La liste complète des participants aux échanges est établie par Brigitte Célérier
Encore une fois grand merci à elle.



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